Colloque international, Université Grenoble Alpes, 17–19 avril 2024 dans le cadre du projet :
Sexualités ecclésiastiques en Occident, Moyen Âge – époque moderne
La sexualité du clergé a été abordée dans l’historiographie sous l’angle essentiellement de la ou des réforme(s) de l’Église, vue(s) du côté latin comme un long combat pour imposer le célibat et l’abstinence, s’opposant plus ou moins explicitement aux églises orientales, et à partir du « protestantes », qui autorisent ou encouragent le mariage d’une partie au moins de leurs ministres du culte. Les travaux du dernier quart du XXe siècle ont ainsi tenté d’évaluer l’échec ou le succès relatif de ce combat, à partir d’une documentation plus pratique que normative. L’enquête s’est focalisée sur cette question du célibat, en reprenant un modèle clérical considéré comme idéal, avant sa remise en cause par les protestants, et a laissé de côté des pans entiers du sujet, théoriques (la réflexion juridique et théologique sur les liens entre sacerdoce, ministère et état de perfection morale) et pratiques (tant sur la « normalité » sexuelle que sur la sexualité proprement dite ou sur les modalités de correction des « déviances » cléricales). Seul le « tournant grégorien » a été traité plus largement, avec notamment des études sur les fondements théoriques de l’évolution faisant du célibat ecclésiastique un enjeu majeur du gouvernement de l’Église.
Plus récemment, différentes perspectives ont émergé, sur le long terme historique, ancrant la réflexion historique sur les sexualités ecclésiastiques dans une histoire du genre et de l’anthropologie chrétienne. Une histoire socio–culturelle des pratiques sexuelles des ecclésiastiques, hommes et femmes, réguliers et séculiers, et pour les siècles modernes catholiques et protestants, apparaît possible. Le colloque du printemps 2024, situé dans la continuité de deux journées d’études tenues en 2021 et 2022 à l’université Grenoble–Alpes, s’intéressera particulièrement à la manière dont le corps social dans son ensemble (clergé compris), envisage la sexualité des ecclésiastiques, qu’il s’agit de penser comme une pratique sociale et culturelle, ancrée dans des normes de comportement qui contribuent à fixer les rapports entre clercs et non–clercs, ministères et fidèles, hommes et femmes, en même temps que ces rapports influencent ces comportements.
Plusieurs axes de réflexion sont envisagés :
1. Quelle place tient la sexualité dans la définition du clergé et de l’Église militante ? Si le colloque veut cerner les pratiques, on sait que le discours, notamment juridique et théologique, d’une part ne peut pas être analysé indépendamment de son ancrage dans la société qui le produit, d’autre part entend influencer cette société et normer les comportements. Cette question se pose dans toutes les Églises, qu’elles aient fait le choix du célibat consacré ou au contraire du mariage de ses ministres.
2. Quelles sont les pratiques sexuelles effectives des hommes et des femmes qui composent les clergés du Moyen Âge et des siècles modernes ? Des études de cas permettront d’éclairer les réalités de ces pratiques, dans la gamme la plus large possible. Sans prétendre à l’exhaustivité, pourront être sollicitées les archives des officialités, les registres des consistoires protestants, les actes des synodes et conciles, les consultations juridiques et théologiques, les archives de la Pénitencerie apostolique, les procès–verbaux de visites pastorales…. La dimension comparatiste sera ici essentielle, tant entre confessions pour l’époque moderne, qu’entre espaces pour toute la période considérée. Le colloque permettra, dans l’ouvrage collectif qui suivra, d’établir une typologie des pratiques évoquées par la documentation :
concubinage de longue durée, « vagabondage » sexuel, pratique homosexuelle, adultère, recours à la prostitution, place du viol…
3. Le traitement, pénitentiel et/ou pénal, de la sexualité ecclésiastique délinquante par les Églises pourra être abordé. Il s’agira notamment de cerner ses modalités différenciées selon le clergé, la pratique, la période.
4. Enfin, on s’efforcera de comprendre la perception de la sexualité ecclésiastique hors de la sphère cléricale, en s’interrogeant notamment sur les dénonciations des clercs concernés, sur le poncif littéraire du clerc paillard, sur l’utilisation de l’inconduite sexuelle pour imposer l’autorité de l’État sur l’Église… Les sources littéraires et iconographiques (entre autres) trouveront ici toute leur place.
Les communications dureront 25 à 30 minutes (en fonction du programme établi). Dans la mesure du possible, les frais de mission en Europe seront pris en charge.
Les propositions de communication, d’une quinzaine de lignes
sont attendues pour le 30 septembre 2023
Elles doivent être adressées à veronique.beaulande–barraud@univ–grenoble–alpes.fr
Le colloque donnera lieu à un volume collectif, dont les textes seront attendus pour l’automne 2024.
Comité scientifique :
Jean–Pascal Gay, professeur d’histoire de la théologie à l’université catholique de Louvain–la–Neuve.
Yves Krumenacker, professeur émérite d’histoire moderne à l’université de Lyon III.
Corinne Leveleux–Teixeira, directrice d’étude en sciences religieuses à l’EPHE et professeure d’histoire du droit à l’université d’Orléans.
Élisabeth Lusset, chargée de recherche au CNRS