La Réformation ne donne pas seulement naissance à une nouvelle manière de croire, mais aussi à une nouvelle manière de voir. Dans l’Empire allemand, si Luther tolère les images dans les églises, il n’en provoque pas moins l’apparition d’une nouvelle iconographie religieuse et profane. On peut en effet relier à la prédication luthérienne et au combat confessionnel la multiplication d’images du prince, produites par l’atelier de Lucas Cranach, peintre graveur attitré des Électeurs de Saxe, premiers défenseurs du Réformateur. Ce nouvel art visuel du portrait donne naissance à des formes inédites de la représentation de l’autorité politique. En réponse à cette expansion du portrait protestant, les princes catholiques de l’Empire s’engagent eux aussi dans une production visuelle nouvelle. Ainsi s’instaure, à côté du combat des armes et de la parole, une guerre des images dont l’enjeu est bien la reconnaissance légitime d’une foi, mais aussi la redéfinition du pouvoir civil. Après la paix d’Augsbourg (1555) qui reconnaît une existence légale aux luthériens, les formes de représentations de ces derniers tendent à capter les modalités figuratives impériales et monarchiques, fondées pourtant sur un modèle catholique de l’Incarnation. Le portrait du prince adossé à une importante réflexion théorique sur son autorité devient un des moyens de penser un pouvoir en pleine mutation.
Rennes, PUR, 2009, 350 p.
Année : 2009