15h30
Avec Julie Dollat, comédienne et Matthieu Franchin, claveciniste
Le titre de ce concert-lecture, conçu à l’occasion du 400e anniversaire de la naissance de Mme de Sévigné (1626-1696), et au cours duquel les lettres de la marquise dialogueront avec des pièces de clavecin de la même époque, en reflète l’ambition : il s’agit d’expliciter le mode de fonctionnement spécifiquement rhétorique qui, au XVIIe siècle, est commun à l’écriture épistolaire (pensée comme une conversation entre absents destinée à faire partager pensées et émotions en dépit de la distance) et à la musique (dont la « fin » est, selon Descartes, « de mouvoir en nous diverses passions »).
Certes, il est désormais admis que tout au long de l’Ancien Régime, « l’empire du modèle rhétorique déborde largement les frontières de la littérature ou même du langage verbal et investit presque toutes les disciplines » (C. La Charité). Pourtant, à l’heure où semble incontestée la légitimité de la démarche qui consiste à solliciter des grilles de lecture rhétoriques pour rendre compte des effets produits par les œuvres appartenant notamment au théâtre ou à la poésie, force est de constater que les textes relevant du genre épistolaire ne sont que très rarement appréhendés sous cet angle. Cela est d’autant plus surprenant que non seulement les pratiques épistolaires sont codifiées par des manuels de rhétorique (qui enseignent par exemple comment donner au discours plus de grâce, plus de force ou encore plus d’agrément), mais encore que les lettres sont généralement lues à haute voix pour quelques membres de l’entourage, invités à éprouver et à goûter les effets produits par le style (la variété des styles étant comparée à la variété des visages).
Invitant à renouer avec des modes de réception et de perception que nous avons perdus de vue depuis l’époque de Mme de Sévigné, ce concert-lecture offre l’occasion de nous interroger sur l’historicité de nos modes de lecture (les habitudes critiques actuelles se situent davantage du côté de l’herméneutique que de la rhétorique) et, en fin de compte, de nos manières de ressentir – c’est-à-dire, pour reprendre les termes du XVIIe siècle, d’être touché et emporté.
