Le tricentenaire de la naissance du cardinal de Bernis en 2015 offre l’occasion de consacrer un double colloque à cette figure polyédrique du XVIIIe siècle européen, à laquelle aucune recherche scientifique collective n’a jusqu’alors été dédiée. Jointes aux fonds disséminés dans divers dépôts publics à travers l’Europe, les foisonnantes archives personnelles du cardinal, dont la famille a pour la circonstance offert l’accès aux chercheurs, permettent d’enquêter sur le dispositif élaboré de gestion de l’information politique internationale mis en place par Bernis à la fin de l’Ancien Régime, et sur un système de représentation puissamment fondé sur la rencontre entre élites du pouvoir et milieux culturels.
Dans le sillage des rencontres grenobloises des 21 et 22 mai 2015, qui avaient exploré la carrière poétique de Bernis et ses premières armes de diplomate et de négociateur, cette seconde session du colloque est plus spécifiquement consacrée à ce qui demeure à ce jour la plus longue ambassade française dépêchée sur les bords du Tibre. Comment expliquer que Bernis soit parvenu à s’imposer, officiellement de 1769 à 1791, puis officieusement jusqu’à sa mort en 1794, dans un espace politique et culturel aussi polycentrique et conflictuel que la Rome de la fin du XVIIIe siècle ? Tenter de répondre à cette question conduit à enquêter sur les pratiques de négociation dictées par une double appartenance à la curie romaine et aux couronnes catholiques. Cela exige de comprendre comment se restructurent les ordres internationaux de l’information, dans une Rome cosmopolite marquée par un processus de sécularisation des formes de la vie culturelle. Enfin, cela permet de prendre la mesure de l’ambitieux programme de diplomatie culturelle échafaudé par Bernis, dispositif articulé de soft power où se conjuguent pratiques d’évergétisme, centralisation des fondations nationales, protection octroyée aux artistes et gestion des mobilités voyageuses.