Autres rencontres : Rencontres historiennes 2023-2024 : Histoires de rires

Le tonneau de Diogène, 6 place Notre Dame, Grenoble, le 03/04/2024

18h-20h

« Cela ne nous fait plus rire ! » Rien qui ne soit plus fragile que le rire, plus éphémère, plus vite dépassé ou oublié. C’est une réaction qui résulte de tant de paramètres que la provoquer est un art avec un résultat parfois ingrat pour qui le métier est de susciter la gaieté et, parfois, bien malgré soi, on le provoque ou il nous échappe provoquant notre honte. L’évaluation sociale et la morale ont toujours eu leur mot à dire sur le rire et les religions aussi. Anthropologues et philosophes (Bergson) ont donc apprivoisé ce phénomène complexe et labile que l’on dit propre à l’humain. Et sur cette affaire, les historiens ont apporté une timide contribution. Si le rire se démode, c’est qu’il est le produit d’un moment précis et d’une société donnée. Rire ensemble est la marque d’un partage, de l’appartenance à une communauté. Il souligne ou crée une connivence et participe de l’identité d’un groupe. Une partie des plaisanteries des générations précédentes nous consterne car ils supposent des idées partagées que nous ne professons plus et que parfois nous rejetons. C’est la marque d’une évolution des mentalités collectives. Le rire en fusant trace aussi une frontière entre ce qui est norme et ce qui est rejet. On peut, à la limite rire de tout (sujet) mais pas avec tout le monde, comme le disait P. Desproges car les formes du rire distinguent des catégories, groupes sociaux, univers culturels, orientations politiques ou sexuelles. De ce fait, le rire est ambivalent, bienfaisant en ce qu’il détend l’atmosphère, libère l’esprit, permet un pas de côté, resserre les liens humains, cruel quand il détruit l’estime de soi ou des autres, stigmatise l’autre et peut alors devenir une arme puissante qui donne un grand pouvoir à son manipulateur.

 

3e séance  (3 avril 2024) : Plaisanteries musicales : la musique « légère » au XIXe s.

Carte blanche à Yves Rassendren, (UGA)

Yves Rassendren proposera un panorama de chansons et d’oeuvres musicales qui amusaient le public et analysera les phénomènes culturels et sociaux qui rendaient plaisante cette musique aux oreilles des auditeurs de ce siècle.


 

2e séance (6 mars 2024) : Rire pour donner à penser

Intervenants : Tangi Chabry (UGA)  : Dénoncer par le rire, caricatures et opinions politique (1884-1912)

Quel lien entre la caricature antisémite des années 1880-1890 et la dénonciation dans L’Assiette au Beurre de l’action anglaise de la seconde guerre des Boers (1899-1902) ? La volonté du dessinateur de ridiculiser sa cible.
Par la dérision l’artiste cherche à provoquer le rire du lecteur. Faire rire n’est pourtant pas le but véritable du dessin qui porte un message politique. Comment le caricaturiste utilise-t-il son travail pour faire valoir ses opinions ? Le rire est-il un moyen pour susciter l’adhésion ou pour faire passer pour acceptables des idées dérangeantes ? Est-il efficace ? Est-il indispensable ?

Sylvain Venayre (UGA) : Pourquoi rire de l’histoire ? Retour sur l’Histoire dessinée de la France

Lancée en 2017, l’Histoire dessinée de la France (La Découverte/La Revue dessinée, 12 tomes parus) raconte en bande dessinée l’histoire de France depuis les origines. Réunissant des universitaires et des auteurs de bande dessinée, elle fait une grande place à l’humour. De quelle façon ? Et surtout : pourquoi ? Est-ce dû à la forme de la bande dessinée ? Ou à une certaine conception de la connaissance historique ?


 

1re séance (24 janvier 2024) : Le rire des Romains, enjeux politiques et révélateur social

Pascal Montlahuc, Derrière l’éclat, la pointe, faire rire à Rome un enjeu captivant (entretien)

Pascal Montlahuc a orienté une grande partie de ses recherches sur l’arme du rire en politique à Rome, sa thèse, Le pouvoir des bons mots : « faire rire » et politique à Rome du milieu du IIIe siècle a.C. jusqu’à l’avènement des Antonins, Rome, BEFAR, 2019, (résumé dans Encyclo, 8, 2017, p. 175-180) a été publiée en 2019 mais il s’est intéressé également à la sociologie du rire à Rome. A l’occasion d’un entretien dialogué et illustré avec Marie-Claire Ferriès, il exposera les enjeux personnels et épistémologiques de son objet de recherche.

Marie-Claire Ferriès (maîtresse de conférences UGA)  « Cela les faisait rire, cela nous consterne, les blagues des Romains »

Les plaisanteries qui réjouissaient les Romains, en toute bonne conscience, nous semblent souvent odieuses et très « politiquement incorrectes ». Les Romains n’avaient aucun scrupule à discriminer et rabaisser par le rire des individus ou des catégories sociales et cela révèle le pouvoir tout à la fois agrégatif et destructeur du rire dans une cité qui domina le monde mais fonctionnait comme un village.

 


Organisation : Marie-Claire Ferriès et Anne Lemonde (UGA) ; Philippe Tarel et Marianne Guérin (APHG-Champollion)

Leslie-Judge Co, New York, Public domain,
 via Wikimedia Commons
Leslie-Judge Co, New York, Public domain, via Wikimedia Commons