Le deuxième colloque d’AMAPOL aura lieu à l’Université Grenoble Alpes les 21 et 22 novembre 2024, organisé par Pierre Géal et Laura Fournier-Finocchiaro.
Il portera sur l’iconographie du martyre politique en Europe du Sud (XIXe-XXe siècle).
Vous trouverez ci-dessous le texte de l’appel à communications en espagnol, français et italien.
Programa de investigación AMAPOL – Aspects du MArtyre POLitique (Europe méridionale, 1800-1939): constructions, discours, représentations, Casa de Velázquez, Madrid (2023-2025)
Coordinadores: Silvia Cavicchioli, Pierre-Marie Delpu (IP), Pierre Géal, Raquel Sánchez
Ce colloque s’inscrit dans le programme de recherche international AMAPOL (Aspects du martyre politique – Europe méridionale 1800-1939 : constructions, usages, représentations)[1], qui vise à créer un espace de débat entre spécialistes internationaux d’histoire politique, d’histoire des mémoires et des patrimoines, d’histoire des émotions et d’histoire de la mort autour de la question du martyre politique.
Nous souhaitons lors de ce colloque mettre particulièrement l’accent sur les représentations iconographiques et matérielles du martyre entre 1800 et 1939, notamment la production ainsi que la circulation d’images de victimes (portraits, allégories, caricatures, photographies, médailles, masques mortuaires, figures de cire…), la médiatisation des exécutions et des funérailles, ainsi que le recueil et la conservation de reliques.
L’espace envisagé est l’Europe méridionale de tradition dominante catholique (notamment l’Espagne, la France, l’Italie et le Portugal) sans exclure des incursions vers d’autres espaces, notamment les guerres lointaines ou coloniales auxquelles participent ces Etats.
L’iconographie du martyre sera envisagée en tant qu’instrument puissant de légitimation et de pédagogie politique, construit par imitation et dérivation de l’iconographie du martyre religieux qui en constitue la matrice. L’étude mettra en lumière la manière dont les images du martyre se sécularisent, montrant un transfert de sacralité de l’espace religieux vers l’espace profane, tout en tenant compte de la persistance du martyre religieux au fil du temps.
Nous souhaitons que cette rencontre soit multidisciplinaire et que puissent intervenir des historiens, des historiens d’art, des anthropologues, des spécialistes de littérature et de civilisation ainsi que de sciences politiques.
Les travaux sur l’histoire culturelle du martyre, y compris religieux, ont insisté depuis longtemps sur les apports de l’iconographie et ont fait valoir une approche interdisciplinaire de la notion (El Kenz 1997 ; Lestringant 2004). L’analyse iconographique classique, qui vise à identifier les sujets représentés et interpréter le sens des représentations, et s’attache également à rendre compte de l’évolution des formes de représentations, sera donc naturellement sollicitée. Mais l’iconographie politique, comme le souligne Christian Joschke, « postule que les images ne sont pas réductibles à des manifestations symboliques d’une vision du monde, pas plus qu’elles ne sont la part visible de tendances profondes sociales et économiques. Plus puissantes que de simples illustrations de l’évolution historique, elles participent à créer la réalité politique. » (Joschke 2012). Les approches anthropologiques de l’image incitent, en effet, à prendre au sérieux le « pouvoir des images » (Freedberg 1998) et une récente réflexion de Ralph Dekoninck sur les rapports entre images et violence suggère qu’il existe un « lien intime entre image et martyr : figure paroxystique de la conformation à la volonté divine, le martyr doit faire image, s’exhiber, se mettre en scène comme image vivante prête à mourir » (Dekoninck 2018). Le même auteur en vient à affirmer : « ces images peuvent à ce titre être dites martyrs au sens où elles portent témoignage, mais elles peuvent être aussi dites martyre au sens où elles martyrisent l’œil, où elles font violence. »
En outre, les développements récents des material studies ont contribué à renouveler profondément l’histoire culturelle du politique (Petrizzo-Sorba 2016 ; Cavicchioli-Provero 2020 ; Burkardt-Grévy 2020 ; Singaravélou-Venayre 2020 ; Francia-Sorba 2021 ; Cavicchioli 2022). Comme l’écrit Carlotta Sorba, « considérer le politique à travers le monde matériel nous permet d’aborder particulièrement certaines questions : les questions symbolico-communicatives ; les émotions (la capacité des choses à provoquer des sentiments politiquement significatifs) ; la dimension mémorielle dont les objets peuvent se charger avec une efficacité particulière ; et enfin, la dynamique performative étroitement liée à des pratiques et à des expériences politiques spécifiques. » (Sorba 2022). Ces approches paraissent tout particulièrement pertinentes s’agissant du martyre politique, et les participants au colloque seront donc invités à prendre en compte la matérialité des images et des objets étudiés et à se montrer sensibles à leurs usages multiples, qu’ils soient publics ou privés, individuels ou collectifs.
Les axes envisagés sont :
– la représentation du martyre (corps des martyrs, transcendance au nom de laquelle le martyr se sacrifie, identité communautaire incarnée par le martyr…)
– le genre du martyre : les représentations de femmes martyres et leurs particularités propres, le rapport à la virilité
– les formes de la représentation (allégorie, réalisme, idéalisme…)
– les circulations et les évolutions iconographiques (du religieux au politique, mais aussi entre communautés politiques)
– la production, la conservation et la circulation d’images et de reliques de martyres politiques
– les pratiques et expériences politiques liées à des images et des reliques de martyrs
– la mise en images de la violence et sa place dans la fabrique du martyre.
Les communications, d’une durée maximale de 25 minutes, se dérouleront en français, en italien ou en espagnol.
Les propositions de communication d’environ 400 mots, rédigées en français, en italien, en espagnol et accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique, sont à envoyer avant le 30 mars 2024 à laura.fournier@univ-grenoble-alpes.fr et pierre.geal@univ-grenoble-alpes.fr
Comité d’organisation : Laura Fournier-Finocchiaro (LUHCIE) et Pierre Géal (ILCEA4)
Comité scientifique : Silvia Cavicchioli (Università di Torino), Pierre-Marie Delpu (Université Libre de Bruxelles), Laura Fournier-Finocchiaro (Université Grenoble Alpes – LUHCIE), Pierre Géal (Université Grenoble Alpes – ILCEA4), Raquel Sánchez (Universidad Complutense de Madrid), Sylvain Venayre (Université Grenoble Alpes – LUHCIE), Carlotta Sorba (Università di Padova), Jordi Roca Vernet (Universitat Autònoma de Barcelona).
Éléments de bibliographie :
Burkardt Albrecht, Grévy Jérome (2020), coord., Reliques politiques, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
Cavicchioli Silvia (2022), I cimeli della patria. Politica e memoria nel lungo Ottocento, Roma, Carocci.
Cavicchioli Silvia, Provero Luigi (2020), coord., Public Uses of Humans Remains and Relics in History, New York-London, Routledge.
Dekoninck Ralph (2018), Horreur sacrée et sacrilège. Image, violence et religion (XVIe et XXIe siècles), Bruxelles, Académie royale de Belgique.
Delpu Pierre-Marie (2021), L’Affaire Poerio. La fabrique d’un martyr révolutionnaire européen (1850-1860), Paris, CNRS Éditions.
El Kenz David (1997), Les Bûchers du roi. La culture protestante des martyrs (1523-1572), Champ Vallon.
Francia Enrico, Sorba Carlotta (2021), coord., Political Objects in the Age of Revolutions, Viella, Roma.
Freedberg David (1998), Le Pouvoir des images, Paris, Gérard Monfort, nouvelle éd.
Géal Pierre, Rújula Pedro (2023), coord., Los funerales políticos en la España contemporánea. Cultura del duelo y usos públicos de la muerte, Zaragoza, Prensas de la Universidad de Zaragoza.
Joschke Christian (2012), « À quoi sert l’iconographie politique ? », Perspective [En ligne], 1.
Laqueur Thomas (2015), The Work of the Dead. A Cultural History of Human Remains. Princeton, Princeton University Press.
Lestringant Frank (2004), Lumière des martyrs. Essai sur le martyre au siècle des Réformes, Paris, Honoré Champion.
Petrizzo Alessio, Sorba Carlotta (2016), coord., « Storia e cultura materiale: recenti traiettorie di ricerca », Contemporanea, 19, pp. 437-480.
Singaravélou Pierre, Venayre Sylvain (2020), coord., Le magasin du monde. La mondialisation par les objets du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Fayard.
Sorba Carlotta (2022), « Faire de l’histoire du politique avec les objets », Revue d’histoire culturelle [En ligne], 4.
[1] https://amapol.hypotheses.org/